Emmanuel Hoog - Comment civiliser Internet ?
Ségolène Royal sort son nouveau site ultra hype pour maison de retraite. Les critiques pleuvent sur sa relation la plus proche, alors que celui-ci a fait d'énormes efforts pour la validation multi navigateurs.
Cette stratégie électoraliste permettra certainement à cette femme politique de défendre ses couleurs lors des primaires de son parti ; cependant, ses actions sont loin de représenter une politique. La gauche attend un programme engageant les pouvoirs publics à réguler le marché pour éviter ses excès.
Avoir accès à tout, tout de suite. Cette ambition boulimique ne trouvera jamais, par définition, son point de satiété. Devant la masse toujours grandissante de contenus disponibles sur Internet, l'enjeu fondamental est de savoir trier, faire des choix. Les pouvoirs publics se sont concentrés jusqu'à présent sur la question de la numérisation des contenus
Mais je crois urgent de se pencher aussi sur la question des critères d'accès et de la hiérarchie des savoirs sur le web. Au plan national comme au plan européen. Aujourd'hui, ce sujet a été abandonné entre les mains des moteurs de recherche, qui imposent à toute requête un ordre de réponse dont les critères ne sont pas transparents. Leur seul objectif étant non pas de donner accès à plus de savoir mais d'en garder, pour des raisons économiques, le monopole d'accès. Il faut d'urgence créer de vrais espaces de service public, de connaissance et de savoir sur Internet.
L'Europe traverse une crise identitaire majeure à laquelle les institutions ne répondent pas. Emmanuel Hoog souligne la recherche identitaire par une perte de mémoire induite par le numérique.
Notre écosystème mémoriel s'est complètement désintégré avec l'arrivée du numérique, où l'on peut faire mémoire de tout. Hier, il y avait une certaine continuité logique entre les souvenirs, la mémoire et l'histoire, chaque étape constituant l'antichambre de la suivante. Aujourd'hui, les souvenirs et la mémoire ont pris le pas sur l'histoire. Et d'une certaine manière, trop de mémoire tue la mémoire ou plus exactement- trop de mémoire tue l'histoire. Cette bulle mémorielle a pour cause première la crise identitaire que nous traversons
Encore une fois Internet propose une masse de savoir phénoménale qui demande d'en apprendre le fonctionnement pour en tirer pleinement parti.
La plupart du temps, l'internaute reste démuni face à une masse considérable d'informations. Paradoxalement, trouver un savoir sur Internet dépend de notre capacité à le connaître déjà, à partir d'un apprentissage dans le monde dit «réel». Qu'en sera-t-il pour les générations futures, les digital natives ? Croire que les inégalités face à la culture seront abolies par ce nouveau média est illusoire : l'école demeure première. Il faut urbaniser Internet. C'est-à-dire, tout d'abord, nous en offrir une représentation visuelle, une véritable cartographie. Nous sommes comme ces premiers navigateurs qui inventaient un monde au moyen d'une carte à mesure qu'ils le découvraient physiquement. Tant que cette terra incognita n'était pas visible sous les traits d'un dessin, elle n'existait pas. Pour Internet, c'est la même chose. Dans le monde réel, il y a des rues, des bâtiments…
L'innovation n'est pas synonyme de progrès. Le processus d'adoption est souvent négligé ; il ne se mesure plus que selon la réussite commerciale d'un produit ou d'un concept.
Notre espace de communication doit être structuré, urbanisé afin de pourvoir y établir des lois et garantir les libertés de chacun. Les idées d'urbanisation d'Internet sont depuis une dizaine d'années défendues par Franck Ghitalla ; celui-ci maintient ses efforts pour soutenir les projets de recherche allant dans ce sens : Des Mots, des Liens et des Acteurs : Ingénierie pour les Sciences Humaines à l’heure des réseaux.