La révolution numérique considérée comme une quatrième révolution
La révolution numérique, une révolution du support ? Pas seulement. L'existence du numérique remet en cause la conception que nous avons de notre rôle dans l'univers ; nous ne nous interprétons plus comme des entités autonomes, mais plutôt comme des organismes informationnels interconnectés. Nous dirigeons nous vers un prochain réenchantement ?
Les trois premières révolutions seraient :
- Copernic, la cosmologie héliocentrique, déplacement de la Terre et donc l'humanité du centre de l'univers
- Darwin, l'évolution par la sélection naturelle, déplacement de l'humanité du centre du monde biologique
- Freud, les neurosciences, l'esprit est aussi inconscient et sujet au mécanisme de défense du refoulement
La révolution numérique renouvelle notre point de vue de tous les jours sur nous-mêmes et sur la nature ultime de la réalité, c'est-à-dire qu'elle transforme notre métaphysique depuis un point de vue matérialiste, selon lequel les objets physiques et les processus jouent un rôle clé, vers un point de vue informationnel.
Cette informatisation croissante des artefacts, des identités et de l'ensemble des environnements sociaux et activités de la vie donne à penser que bientôt il sera difficile de comprendre ce qu'était la vie dans les temps pré-numériques, et que, dans un proche avenir, la distinction même entre on-line et off-line va disparaître.
Toujours branchés, tels seraient le futur de nos sociétés. Après quelques décennies de désenchantement (la saturation des autorités (père, professeur, police, institutions), la délégitimité de la loi ; la dépolitisation, et la désyndicalisation ; la contractualisation, la judiciarisation, le déracinement et l'isolement), le réenchantement nous guette ?
On observe aujourd’hui une fascination pour la foule et le collectif. La foule n’est plus suspecte, n’est plus violence. La foule est le bain de jouvence, qui fait exister.
On comble l’ennui et l’angoisse par le sentiment d’appartenance. On suit des rites d’adhésion à des territoires identitaires. On adopte des objets transitionnels comme le mobile, qui apaisent l’isolement.
La technologie va être le creuset et l’espace le plus favorable pour manifester cette nouvelle forme de relations sociales.
Le futur est plein d'espoir pour notre régénération, on va vivre en communauté dans une société libre et dépourvue de toutes barrières… Avoir la possibilité de se connecter quand on veut peut être un progrès ; être constamment connecté, je n'en suis pas sûr. Les technologies peuvent, bien entendu, évoluer pour améliorer la consommation de toutes nos machines, mais posons nous la question de savoir comment allons nous fournir assez d'énergie pour toute la planète.
Si notre monde n'est pas pensé de manière global, avec le réel et le virtuelle, pour tous les habitants, nous ferons les frais du désenchantement du réenchantement.
Lire :
- La révolution numérique considérée comme une quatrième révolution - Luciano Floridi
- Du désenchantement au réenchantement - Stéphane Hugon