L'intérêt de l'enseignement de l'histoire
Le monde de la requête nous guette. Sur le web, la connaissance se mêle au bavardage du quotidien. L'internaute doit jongler entre les différentes ressources qui lui sont fournies pour séparer le vrai du faux.
Geert Lovink lance une série de quatre articles sur le site InternetActu à propos d'une société de la requête.
Un spectre hante les élites intellectuelles du monde : la surcharge d’information. Les gens ordinaires ont détourné les ressources stratégiques de la connaissance et engorgent les canaux médiatiques d’habitude soigneusement policés. Avant l’internet, les cours des mandarins reposaient sur l’idée qu’ils pouvaient séparer le bavardage de la connaissance. Avec la montée des moteurs de recherche, il n’est plus possible de distinguer les idées des patriciens des potins des plébéiens. La distinction entre la base et le sommet, et leur mélange réservé aux moments de carnaval, appartiennent à une époque révolue qui ne doit plus nous préoccuper davantage. De nos jours un phénomène tout à fait nouveau est à l’origine d’une inquiétude bien plus forte : les moteurs de recherches classent selon la popularité, pas selon la vérité. La requête est devenue la façon dont nous vivons aujourd’hui.
Plus loin, Geert Lovink met en avant la problématique de l'éducation aux technologies de la recherche par les usagers.
Nous devrions faire l’éloge de la richesse et faire des nouvelles techniques de recherche une part de notre culture générale. Une façon d’y parvenir serait de révolutionner les outils de recherche et d’augmenter le niveau général d’éducation aux médias. Quand nous nous promenons dans une librairie ou une bibliothèque, notre culture nous a appris à naviguer à travers les milliers de titres disponibles. Au lieu de nous plaindre au bibliothécaire ou au libraire du fait qu’ils proposent trop de livres, nous demandons de l’aide, ou faisons ce travail par nous-mêmes.
Les écueils de l'information sur le web vient en grande partie de l'incompétence des utilisateurs à la navigation et à la compréhension des résultats retournés par un moteur de recherche. On sait qu'un utilisateur averti a moins tendance à regarder ou cliquer sur les publicités ; les nouveaux arrivants ont participé à la grande expansion du web ces dernières années et à la réussite de certains modèles basés sur la publicité.
Pour revenir à l'éducation, Hervé Le Crosnier critique les orientations de la politique française qui semblent se plier aux désirs des entreprises plutôt qu'à la nécessité de garantir la formation de citoyens éclairés pour le maintien de la démocratie dans notre pays : Sciences et histoire.
La science a changé. Foin des méthodologies et de l'argumentation, il s'agit dorénavant de produire des « innovations », que l'on va comptabiliser en nombre de brevets, de publications ou de citations.
La science a besoin de petites mains au service des industries du savoir et du traitement de l'information. C'est désormais cette limitation dans les outils (à chaque discipline ses techniques) et dans les objectifs (le cumul des applications innovantes) qui définit la place de la science, et donc des filières scolaires et universitaires de production des scientifiques.
Geert Lovink demande du temps, du temps pour flâner, pour lutter contre la diminution de notre capacité à penser de manière critique.
Ce qui est nécessaire est une réappropriation du temps. A l’heure actuelle, nous ne disposons tout simplement pas assez de temps pour nous promener comme un flâneur.
Notre pratique techno-culturelle habituelle repose sur une intolérance au temps. Nos machines considèrent l’obsolescence des logiciels avec une impatience croissante, exigeant que l’on installe sans cesse des mises à jour. Et nous sommes tous obligés d’y répondre, mobilisés par la crainte d’un ralentissement de la performance.
Pour se réapproprier le temps, encore faut-il en avoir conscience, connaître les moments qui ont ponctués l'histoire de l'humanité. On rencontre au FMI des personnalités maîtrisant de manières remarquables le système financier international tout en ayant une culture inexistante concernant le quotidien des populations (Anne Krueger par Jean Ziegler). Pour cette raison Hervé Le Crosnier critique la suppression des cours d'histoire en classe de terminale.
Il faudrait avoir étudié l'histoire pour reconnaître, mutatis mutandis, une image « moderne » du processus dit de « prolétarisation » qui a déjà eu lieu durant l'ère industrielle. Et donc pour anticiper sur les enjeux des affrontements sociaux qui ne manqueront pas d'éclater dans le coeur même de la production de connaissances et de la société du même nom. Nouvelles oppositions dont les mouvements des chercheurs des dernières années en France, ou les activités des « lanceurs d'alerte »au niveau du monde entier sont les premiers prototypes.
Toute cette crise relèverait surtout d'un problème de notre système éducatif et de la manière de renouveller nos élites. Il faut enrayer la course à la contre performance.