Bernard Stiegler, le court termisme
Je regardais, il y a quelques mois, l'émission "ce soir ou jamais" ; une philosophe disait que dans sa discipline le principe de la décision par l'urgence avait été depuis longtemps débattu ; et, qu'en gros, elle ne faisait que justifier des choix autoritaires, voire court-termistes.
Pour placer une explication par l'exemple. Imaginons qu'une bombe ait été placée dans Paris, mais sans savoir où. On trouve un dangereux mec avec une barbe qui, selon nous, sait où se trouve la bombe. Des milliers de vies sont en jeu.
Doit-on se permettre, dans ce cas, d'aller contre nos bonnes considérations moralistes et torturer cette personne ? Les réflexions sont arrivés à la conclusion, que, premièrement, le taux de probabilité que les informations obtenues sous la tortures soient exploitables est très faible et que, deuxièmement, ce principe d'urgence, une fois exécuté, ne fait que justifier sa perpétuation dans le temps.
Pour moi, la logique court-termiste dont Stiegler parle se rapproche de se rapproche de ce principe de déshumanisation par l'urgence.
Mais je pense que, beaucoup plus profondément, nous vivons dans une société qui est en état de choc permanent, parce que les chocs technologiques - qui sont une stratégie que Schumpeter avait décrite en tant que la destruction créatrice, à la base du capitalisme consumériste - sont devenus en fait quelque chose qui tétanise les gens, comme on l’a fait à Guantanamo pour complètement détruire le psychisme des détenus, les mettre en état de sidération et de totale dépendance de leurs bourreaux.
C'est Naomi Klein avec son essai sur "la stratégie du choc" qui a le mieux travaillé sur cette question ; particulièrement en analysant ce principe par rapport à des faits historiques avec la mise en place des idéologies de Milton Friedman.
Cependant, il n'est pas inutile de lire cette interview de Bernard qui permet de comprendre les raisons de notre aveuglement et d'entrevoir une porte de sortie à cette situation.
Cet autre modèle est en train d’émerger. C’est ce qu’on appelle l’économie de la contribution. Je travaille avec un architecte qui réfléchit à des modèles de construction de l’habitat social contributifs, où on pourrait mettre en valeur le travail des gens à réaliser leur propre logement (…) On réfléchit à des modèles de sociétés coopératives. Il y a énormément de propositions de ce type.
Il faut prendre son temps, le temps de la réflexion que permet la crise et se pencher sur le travail contributif. Personnellement, j'ai des idées, je vais aussi essayer de les mettre en pratique.
Lire Bernard Stiegler : la déraison généralisée du court termisme.