Le grand horloger
A la renaissance, apparaissaient les premières montres et avec cet outil de mesure… le capitalisme. Phénomène de cause à effet ou simple coïncidence ? Toujours est-il, qu'il est possible de lier la capacité de mesure (précise) du temps et l'apparition de la notion de productivité.
En effet, c'est souvent en plaçant le temps en abscisse que les managers, et l'ensemble de ceux qui manipulent des chiffres, représentent les graphiques permettant l'analyse de résultats ou de prospectives sur l'avenir. A intervalles réguliers, c'est la comparaison de courbes qui, cette fois-ci, offrent le luxe de mesurer une évolution au cours du temps pour fixer ou analyser des objectifs.
Tout comme les powerpoint nous rendent stupides, les courbes représentants un temps linéaire nous guident vers des chemins pavés de bonnes intentions.
Il y a plus de 2000 ans, une civilisation, nommée Maya, mettait au point un calendrier stellaire basé sur le cycle orbital de 26 000 années du système solaire autour de voie lactée. Le 21 décembre 2012 étant sensé marquer l'alignement de la terre avec le soleil et le centre de la galaxie (le système solaire passant en-dessus, puis en dessous de l’équateur galactique).
On peut évidemment penser que cette civilisation avait des habitudes réglées sur les saisons pour les récoltes, mais leur unité de mesure avait pour valeur 1 cycle galactique soit 26 000 ans avec les yeux orientés vers le ciel.
L'invention de la montre portative, par notre civilisation contemporaine, a poussé l'homme au cours des siècles à baisser les yeux et à ne plus regarder que le cadran. L'unité de mesure de 26 000 ans disparaissant dans les âges pour être remplacé, grâce à l'électricité, par le jour.
Changement de pratique fondamentale car quand un groupe humain a connaissance du caractère cyclique des astres et des perturbations électromagnétiques que peuvent engendrer certains alignements, il se fixe des objectifs permettant sa survie sur son unité de mesure ; alors que quand un autre prend le jour comme mesure, il n'aura comme devise que le célèbre "après moi le déluge", formidablement appliqué par ceux qui nous gouvernent en nous criblant nos sociétés de dettes.
Les dangers de la calculabilité
Avec les instruments et les systèmes associés, c'est dans l'ère de la calculabilité que nous sommes entrés ; c'est à dire, comme le dit Jacques Henric, qu'il s'agit de la victoire définitive, absolue, de la société sur l'individu
par la mise en place d'une société de contrôle, chère à Bernard Stiegler :
Au cours du XXe siècle, le capitalisme est devenu "culturel", comme le dit Jeremy Rifkin. Il a transformé les industries culturelles en technologies de contrôle et de conditionnement des comportements et de l'attention. La pression sur la "culture" de la rationalisation et du "désenchantement" - qui ne signifie pas seulement la mort de Dieu, mais l'hégémonie de la calculabilité dans tous les domaines - est telle que tout ce qui constituait auparavant l'expérience de l'incalculable - c'est-à-dire de la singularité - tend à être liquidé. L'Audimat règne partout.
Ainsi, nous ne faisons que faire fonctionner une société guidée par les chiffes, comme dans le pire des romans de science fiction, avec toutes les dérives que cela comporte : traçage, perte de liberté, perte de repères…
Nos maîtres sont ceux qui contrôlent le temps, par exemple les patrons avec leur montres hors de prix, mais surtout les ordinateurs et leurs transactions à la milli-seconde, ultime perfectionnement de la maîtrise du temps.
Changer de cycle (?)
Finalement que suivons-nous ? Sommes-nous comme le lapin d'Alice au Pays des merveilles ; coincé dans le paradoxe de la Reine Rouge ?
Ici, tu vois, tu dois courir aussi vite que tu peux pour rester immobile. Si tu veux aller ailleurs, tu dois courir au moins deux fois plus vite que cela !"
Devons nous continuer à vivre dans l'urgence permanente ?
Le chef, c’est celui qui regarde la montre. Le subalterne, c’est celui qui court. C’est sans doute pourquoi de plus en plus de décisions cruciales au plus haut niveau, national ou international, se prennent désormais « au bout de la nuit », après des négociations haletantes, ayant conduit à un accord « sur le fil »… Quelle est donc cette urgence permanente, qui dissimule la seule urgence véritable : la « mise en demeure » de l’espèce humaine par la planète Terre ?
S’il s’agit, pour survivre, d’en arriver à la désobéissance civile, crâneuse et méchante, alors j’ai déjà choisi la mienne : ne laisser personne (pas même mon Désir) me dire que je suis en retard pour quoi que ce soit. Et naturellement, reconnaître ce droit à chacun de mes semblables. Laisser aux machines le temps des machines et aux hommes le temps des hommes… Et aux fruits le temps des fruits… Et voir, et écouter, surtout, ce qui se passe vraiment.
Je ne sais pas si 2013 débutera un jour, mais espérons que le calendrier Maya pourra faire redécouvrir aux hommes qu'il est petit dans l'univers et faible par rapport à la nature.