Changer de rapports
Les logiques nécessaires de développement dans le contexte du web actuel montrent que la division du travail doit être pensée de manière différente. Après en avoir beaucoup parlé et commencé à expérimenter cela sur différents projets, nous voyons apparaître quelques représentations dignes d'intérêt.
L'organisation des équipes joue sur les processus de production
Dans le contexte de la conception multi-périphérique, le haut degré d'organisation et de communication nécessaire afin de produire des sites web modernes rend la vision inspirée par la chaine de production obsolète. Pourtant, si un processus est remis en cause sans avoir au préalable revu le réseaux des collaborateurs, des ressources et les méthodes de suivi va inévitablement créer des friction et rendre la réalisation inefficiente.
Partons d'une chaine de production composée de 3 phases clefs : étude, conception, développement (pour lesquelles chacune dépend de la précédente) ; ainsi que 2 moments majeurs : stratégie et exécution.
Dans cette approche, les équipes sont structurées en miroir de ce processus. L'étude (de marché) (actionnaires, managers, directeurs) définissent les objectifs ; les concepteurs s'occupent d'organiser ces idées en hiérarchisant et en mettant en forme l'information ; enfin les développeurs exécutent.
Cette manière de faire est essentiellement inspirée de la chaîne de production d'une usine. Bloquer les développeurs d'un côté et les concepteurs de l'autre est une erreur, chacun doit participer à la stratégie. Des sujets comme la compatibilité ou encore la dette technique devraient être au cœur des conversations.
La compartimentation est un frein à l'itération et à la mise en place d'un rythme raisonnable de développement. Par exemple, si les développeurs avaient besoin de mettre en place une réunion avec les concepteurs et les dirigeants à chaque changement d'orientation dans la phase de code, la phase d'itération passerait de quelques heures à plusieurs jours. C'est très lourd.
Si un processus demande de multiples mises en ligne et des itérations rapides, pourquoi les équipes ne sont-elles pas organisées de la sorte ? On pourrait avoir de petites équipes capables d'exécuter plusieurs phases d'étude, conception et de développement rapides et autonomes.
La dimension, la structure et le nombre d'équipes peuvent être adaptés à l'organisation, à condition que les équipes soient composées de manière à garantir une véritable démarche collaborative. Les membres sont disponibles aux autres et les chaines de commandes ne sont pas restreintes à leurs pôles de compétences (les techos, les graphistes,…). Les équipes sont responsables.
Traduction de Reorganization.
L'organisation des équipes joue sur les hiérarchies
Pourquoi un projet avec une équipe restreinte est souvent un succès, alors que les projets avec une équipe élargie devient une souffrance ?
Les paragraphes précédents exposent la principale raison. Quand un projet prend trop d'ampleur (taille, budget,…), les organisateurs vont essayer de gérer la complexité en multipliant les postes et en divisant le travail en plusieurs type d'équipe, par compétence. Plus le projet sera grand, plus on adoptera la stratégie de l'appel à l'expert ; c'est-à-dire qu'on mettra l'ensemble des participants (excepté l’exécutant) dans une situation d'incompétence.
Le projet devenant de moins en moins maîtrisable, on fera appel à des experts de plus en plus pointus, et paradoxalement on les paiera de plus en plus cher. C'est ainsi qu'on mettra en place un système de rémunération en pyramide inversée dans lequel le mieux diplômés (les plus spécialisés pour la production) exécutent les tâches qui ont le plus de valeur pour le salaire les moins élevé.
Mais pourquoi ce système ? Il est évident qu'il faut en changer. Tweetons et retweetons sur les échecs de nos grandes entreprises en évoquant le changement inéducable de société ; continuons de croire à la mobilisation des foules sur les réseaux sociaux. Sauf que malheureusement, ce système ne changera pas tant qu'on évoquera pas le sujet de qui dirige.
La système continue de fonctionner ainsi pour la simple et bonne raison que ceux qui décident sont ceux qui choisissent de l'investissement (où va la tune). Aujourd'hui ce sont les banques pour l'économie, les actionnaires pour votre boîte, l'Europe pour notre pays.
Il n'est pas possible de mettre en place un système collaboratif, dans lequel les participants ont un statu d'égalité, s'il perdure une soumission hiérarchique trop criante. Comment parler d'égal à égal si la personne en face de vous décidera de votre augmentation de salaire annuelle ?
La question fondamentale est de savoir si vous êtes partisan du maintien de la structure sociale actuelle (99% vs 1%), à ce moment là vous avez tout intérêt à maintenir la division du travail avec des gens plus payés que les autres parce qu'ils décident ou alors vous admettez que cette structure sociale est destructrice de diversité, donc d'innovation éventuelle, et vous vous engagez à participer ou mettre en place des organisations dans lesquelles les pouvoirs et la répartition du pognon sont correctement répartis.
Lire 10 mythes de l’innovation dévoilés et mis en pièce par Scott Berkun pour arrêter de croire au miroir aux alouettes.
Conclusion
Depuis des années que le web promet une société nouvelle, nous n'avons rien vu apparaître de vraiment concret dans les structures économiques. Tant que les investissements seront fait par un nombre réduit de personnes en vu d'optimiser leurs profits, nous pouvons toujours attendre de voir le web tel que nous le rêvons.
La seule manière de travailler de manière éthique est que l'investissement et que l'organisation d'un projet soient eux-même éthiques.
Si pour autant, vous avez l'impression que le phénomène prend de l'ampleur c'est pour la simple raison qu'alors que les économistes pouvaient cacher la misère de leur modèle derrière une forte croissance, désormais qu'elle n'est plus et ne sera plus, il devient évident qu'un autre système doit avenir.
Si vous pensez qu'un principe collaboratif en petite équipe peut-être la solution, n'oubliez pas de revoir l'organigramme de votre organisation afin que tout le monde puisse pousser du même côté.