La précarisation des graphistes

Les évolutions des web en général et l'apparition de nouveaux types d'organisation pour la réalisation de produits ou d'applications web amène à une modification des structures relationnels entre nos métiers. Nous passons d'équipes web organisées autour de la publication d'informations (type agence) à de la conception de produits spécifiques (type startup).

La nécessité des realeases

La possibilité de développement de sites applicatifs (webapp) dans le navigateur a provoqué l'arrivé de prises de conscience de principes comme : le développement guidé par les tests, l'agilité ou encore le monitoring.

Le besoin de mise en production fréquente de modifications a petit à petit amené les intervenants à se familiariser avec ces notions. Les membres typiques d'une équipe de dev se doivent de maîtriser les commandes du terminal pour lancer des processus, versionner leur travail ou configurer une fonctionnalité.

Dans cette chaîne de participation, nous trouvons principalement les métiers du développement, intégrateurs, développeurs, sysadmin… mais peu de graphistes.

Le renversement de modèle

Dans une agence web, qui s'assimile parfois plus à une agence de communication, la mise en forme est très importante. On va vendre à un client un univers graphique et fonctionnel qui va le différencier de ses concurrents.
Dans ce système qui a prévalu entre les années 2000 et 2010, le graphiste est présent en avant vente, c'est lui qui va créer la "plus value" d'un site qui va permettre de se différencier d'un client (on l'appelle parfois designer).
Comme le visuel et la conception de ce visuel sont mis au centre, les autres métiers sont en quelques sortes relégués à la périphérie. Celui qui est le moins reconnu dans ce système est l'intégrateur ; dont le rôle se limite à la traduction de la composition graphique en code, il est en bout de chaine.

Dans une équipe de type développement applicatif en revanche, on va s'intéresser (en théorie) plus au domaine technique. On ne va pas forcément chercher à se différencier graphiquement mais plutôt chercher à améliorer le service proposé.

On se concentrera sur la modélisation technique et la manière dont on va stabiliser les développements. Ceci impliquant d'avoir du code qualité donc une personne compétente à chaque poste, donc un "développeur front" (qui peut-être dans certains cas un intégrateur).
L'objectif sera que chacun respecte au maximum les contraintes de la production afin de garantir la meilleure disponibilité de l'application.

La précarisation du graphiste

En raison de la complexité de développement d'une application, il est compréhensible que la réflexion sur le graphisme ne soit pas prioritaire. Par facilité, pour la partie interface, on passera par l'utilisation d'un Framework HTML/CSS, on développera une première version assez rapidement et en fonction des retours, on fera appel à un graphiste pour mettre un peu de couleur dans tout ça.

Or, vous le savez aussi bien que moi, l'équipe idéale doit comporter un certain nombre de compétences et la compétence graphique (UX) est aussi essentielle que les autres. Les équipe d'expérience pensent bien évidemment à valoriser ce métier.

Sauf que si dans un cas extrême de la boîte de communication c'est l'intégrateur qui a priori va être considéré comme le métier ayant le moins de valeur. Dans le cas d'une équipe d'application, c'est le graphiste qui va être déconsidéré.

Une question de compréhension

J'explique ce phénomène par le langage.

Dans une agence de communication, on va valoriser l'image. Le graphiste va particulièrement bien s'intégrer à ce milieu en terme de domaine. On parle de qualité visuel, de grain, d'émotions, de couleurs…
L'intégrateur est, dans ce domaine, une personne qui parle même langage mais mal car ce n'est pas sa formation et que son navigateur ne lui permet (permettait) pas de tout faire.

Dans une entreprise technique, on va parler disponibilité de contenus. Le langage sera basé sur la capacité à mettre à jour un dépôt de données et de savoir à quel moment on le transfert d'une plateforme à une autre.
Le graphiste est, dans ce domaine, une personne qui ne parle pas du tout le même langage que les autres. Il n'est pas intégré à la discussion sur la gestion de versions.

Sauvons les graphistes

C'est vrai que les besoins grandissant de conseils dans la conception d'interface donnent à une partie des intégrateurs une plus grande considération. C'est avec délectation que nous dirigeons les affaires et que, pour ma part, j'ai participé à l'éviction d'un (mauvais) graphiste sur un projet : "il est nul en web, on ne veut pas travailler avec lui".
Vengeance !!!

Mais je ne crois pas que la dominance d'un métier sur un autre permette de prendre plaisir au travail et de réaliser des interfaces de qualité.
Il faut prendre donc conscience que si on a des exigences, il faut inciter le maximum de compétences à échanger leurs points de vue.

Pour cela, il faut que tout le monde parle le même langage. La formation de la plupart des graphistes ne leur apprend pas les contraintes techniques du web. Ils ont donc énormément de mal à savoir comment et à quel moment participer à l'amélioration des interfaces.

Sauvons les graphistes

Pour cela :

  1. Imposons des réunions de co-création multicompétence en amont de projet
  2. Réfléchissons à quelle peut-être l'utilité de Git pour un graphiste
  3. Mettons en place des cours pour former les graphistes à Git