Sobriété - un récit pour le futur
Je participais à une de ces multiples conférences en ligne, le sujet était le numérique responsable, et une question fut posée : le numérique peut-il nous aider à mettre en place cette transition énergétique ? Risible, non ?
La problématique de la sobriété
Le déroulement des débats sur le numérique en 2021 se pose de cette manière :
- Est-ce que le numérique pollue ?
- Si oui, dans quelle mesure ?
- Si trop, est-ce qu’on peut le changer ?
- Si oui, est-ce que finalement le numérique ne peut-il pas être un levier pour réduire nos émissions de manière globale ?
Les décideurs demandent des chiffres, des chiffres, des études, des études. On sait que le numérique pollue, on admet maintenant qu’il pollue vraiment trop…
Mais, mais, on voudrait encore faire des études bien poussées pour savoir si, jamais, au cas où, il n’existerait pas un moyen de bien utiliser la technique pour continuer à profiter de la technique mais sans abîmer notre environnement.
On veut des soluces, si possibles des solutions techniques.
Le récit technicien
La pensée technicienne a tellement réduit le champs des imaginaires qu’on ne cherche plus à inventer de nouveaux modèles, mais seulement à corriger l’existant.
Au début du 20ème siécle, des pédagogues expérimentaient des pratiques pour l’éducation des enfants. D’où venait la mise en place de ces pratiques ? Du constat qu’avec le machinisme et l’ouvrier face à cette même machine. Non seulement, on ne prenait plus soin des enfants, mais en plus on avait réduit leurs perspectives à celle de faire fonctionner la machine (à travers l’absence de leurs parents).
Sommes nous sortis du machinisme ? C’est ce qu’on pense car les ouvriers sont bien moins nombreux aujourd’hui ; de plus on ne va plus à l’usine. Mais un ordinateur reste une machine. Et maintenant avec le mobile, la console,… la machine est à la maison. On parle de machines qui prédiraient même votre présent et votre futur.
Quel est le récit de nos dirigeants : La technique Contre La lampe à huile. Quel est le récit nos grandes entreprises : du numérique responsable. Mais dans lequel ces entreprises retiennent numérique (et donc technique) alors que nous voudrions du responsable.
La force des récits
Un des plus grands dirigeants de notre histoire fut Alexandre le grand. Qu’est-ce qui rend de ce personnage si particulier ? Alexandre a emmené son armée en campagne pendant 10 ans ; loin de leur famille, de leur pays… Ils sont allées aux confins du monde.
Alexandre fut certainement un peu un original mais il n’y avait aucune raison tangible pour que la campagne ne s’arrête pas la troisième année, une fois Babylone prise. Mais Alexandre a inventé un imaginaire de gloire pour ses soldats qui l’ont suivit pendant encore 6 ans (même si d’accord fallait quand même rentrer du Pendjab).
La construction d’un récit pour un groupe a donc un pouvoir considérable. Alexandre a réalisé une chose impensable pour l’époque.
Les questions de la destruction de notre environnement, de l’excès de nos émissions… sont des choses acquises. Nul besoin de pousser les études pour savoir de quelle manière précise ça se passe.
Déconstruire les récits
Vincent Mignerot a identifié le problème des récits et pose la vraie problématique de nos sociétés en crise : déconstruire les récits avant de trouver des solutions par Vincent Mignerot.
Faites l’expérience dans les conférences que vous allez suivre, essayez d’identifier le récit. Dans une conférence de « dirigeants », c’est simpliste ; mais même dans des conférences des personnes qui ont l’air le plus engagées dans la sobriété numérique, le plus souvent, le récit reste : comment utilise-t-on la technique le mieux possible ? (la technique est au centre, la critiquer c’est s’exposer). Tout simplement parce que nous sommes englués dans nos métiers de techniciens du quotidien.
Pas étonnant que je milite pour les Low-Tech sur ce blog. Car les personnes qui parlent Low-Tech sont déjà sur un autre récit. Ce récit c’est, non pas, que peut-on faire de la technique, mais plutôt à quoi la technique peut-elle nous servir ?.
Comment inventer un récit ?
Qui dans notre société autorise-t-on à vivre dans un imaginaire ? Quelles sont les personnes qu’on désire voir développer les imaginaires ?
Les enfants, bien entendu. Dans nos récits quelle est la place des enfants ? On parle de température à en 2100, mais ça c’est du présent. On parle du présent des adultes d’aujourd’hui. J’écoute les discours et les discussions professionnelles, tout n’est que correction du présent (pour gérer le futur certes), mais pour limite ne pas culpabiliser face à nos enfants plus tard.
Mais quelle place fait-on à nos enfants ? Quels imaginaires leur permet-on de se construire ? Je dirais personnellement aucun.
Les enfants votre avenir est écrit : c’est soit 2°C, 3°C ou plus… on s’en occupe. Pendant ce temps n’embêtez pas les adultes.
Si nous voulons inventer des récits passons du temps avec nos enfants. Laissons les s’exprimer et aidons les à construire eux-même leur futur.