La fracture numérique, ça existe

Il y a dans notre pays une fracture. Cette analyse n'est pas de moi, mais d'un visionnaire, un grand visionnaire de notre époque. Cet homme avait vu juste. Il parlait de fracture sociale et pas de fracture numérique, je le sais ; mais tout de même qui aurait compris, il y a de cela douze ans, s'il avait parlé de fracture numérique. Personne, sans doute personne, personne n'aurait compris.

La fracture numérique, c'est tout d'abord un choc générationnel. Cette tension qui règne dans les couloirs des entreprises entre les 30-40 ans et les 20-30 ans, un certain nombre d'entre nous la vive. La génération du courriel contre celle de la messagerie instantanée. Que ne donnerait-ton pas pour bannir ces attaques sournoises en copies cachées au patron avec pièces jointes de 6 Mo, destinée à nous déstabiliser ? Que doit-on faire pour passer à des modes de communication plus transparents et plus performants ?

Ce choc générationel, Corinne Lepage en parle sur le site de son mouvement Cap 21. Elle évoque les émeutes en Grèce dans l'article : Corinne Lepage : Et si la crise de la jeunesse était en réalité celles des générations antérieures ?

Pour réfléchir, posons nous la question de savoir quel serait le comportement de la jeune génération aux manettes vers 2025 si elle se comportait vis-à-vis de notre génération comme nous nous comportons vis-à-vis d’elle même. Que se passerait-il si pour payer l’adaptation au changement climatique que nos choix déraisonnables ont entraîné, ils divisaient nos retraites par deux ? Que se passerait-il si, au motif des économies nécessaires dans le budget de l’Etat, ils décidaient que les personnes au-delà de 75 ans ne peuvent plus accéder à certains soins lourds dans les hôpitaux ? Nous trouverions cela scandaleux et contraire aux grands principes républicains.

Non seulement nos choix actuels défavorisent pour le présent les jeunes et leur apparaissent à juste titre, inéquitables et injustes, mais encore ils sont directement contraires à leurs intérêts en tant que génération montante.

il est cassé

Une différence notable de point de vue entre génération, en effet. Mais cette opposition semble plus profonde qu'on pourrait le croire en se référant simplement à la situation économique. Par exemple, ce billet de Fabrice Epelboin dans ReadWriteWeb qui évoque les impacts de la société du numérique chez les jeunes générations.

Avoir 500 amis à 14 ans, soit la moitié du collège, et arriver à 1000 d’ici à la terminale aura un impact profond sur la société que mettrons en place les participants à ces réseaux sociaux dans 10 à 20 ans. Les revendications de liberté et d’égalité des soixantehuitards, conjuguées à la première grande crise économique de l’après guerre en 1971, ont donné naissance à une société qui, quelle que soit la façon dont on la juge, n’a pas sa place dans le XXIe siècle, ne serait-ce que par la trace carbone qu’elle laisse derrière elle. Sortie brutale d’une période d’euphorie économique, et fossé culturel entre deux générations, ne nous y trompons pas : les conditions sont réunies, encore une fois.

Les conditions sont réunies pour quoi, au juste ? Attendez, vous avez pas cette impression terrible que les medias sont de plus en plus radicaux et que la situation est en train de se tendre sérieusement. Si je lis bien ces deux citations de personnes que l'on a l'habitude de qualifier de modérées, je ne donne pas cher de la génération de baby boomers. Mais que lit-on encore dans chez Fabrice Epelboin ?

Cette fracture numérique là est générationelle, et elle ne peut mener qu’à un conflit qui fera passer mai 68 pour une joyeuse fête de quartier.

Ouh là, ça fait peur, c'est quoi ça ? Mener inévitablement à un conflit ? Quand même, faut pas exagérer. Voyons.

Remarquez, quand même les Echos s'y mettent ; quand le blog d'un journal économique publie dans La fracture numérique concerne d’abord les entreprises :

La fracture numérique affecte désormais un grand nombre d’entreprises. Mais ce n’est pas l’accès au meilleur état de la technique qui pose problème. C’est la libéralisation de ses usages.

L’intranet ou l’extranet maison perd son sens et son intérêt. Ils ne deviennent qu’un vecteur technique réservé aux transmissions de données techniques et fonctionnelles, c’est-à-dire pauvre en création de valeur ajoutée et complètement déshumanisé.

On se dit que oui, il doit y avoir un sérieux problème ; qu'il faudrait se poser les bonnes questions plutôt que de s'agiter dans tous les sens.