Incompréhension sur les 35 heures

Le débat sur les 35 heures de travail par semaine est relancé de manière régulière autant à droite qu'à gauche. Ce thème devrait représenter un point de friction entre les différents candidats à la prochaine élection présidentielle (certains en sont les créateurs). Pourtant, il semble que ceux qui défendent leur suppression ne font que constater leur propre échec politique.

L'organisation du travail

J'ai bien conscience que chaque secteur d'activité n'est pas concerné de la même manière, mais il existe quand même quelques constances dans l'organisation du travail.

L'entreprise désigne de manière assez précise la différence entre les dirigeants et les exécutants. C'est-à-dire une distinction entre les tâches de planification (et on ne parle même pas de la conception) et les tâches de réalisation. On constate que les personnes chargées de la planification occupent des postes de plus grandes importances dans la société.

Pour occuper un poste de direction, il est nécessaire d'avoir une meilleure expérience professionnelle, un meilleur diplôme (que les autres postulants)… D'une autre manière, les postes de direction sont assignés aux personnes les plus compétentes (les plus intelligentes ?) désignées par le marché du travail.

La planification du travail

La planification consiste à organiser les tâches à réaliser dans le temps. Ces tâches doivent ensuite correspondre à des coûts afin de pouvoir déterminer un état financier du projet.

Ainsi, si la semaine de travail comprend 35 heures de travail par salarié ; le calendrier devra présenter des tâches à réaliser sur 35 heures pour chacun des salariés (c'est vraiment dur à comprendre).

Dans le domaine très majoritaire des PMI/PME (35 heures - pas de RTT), les travailleurs dépassent très fréquemment le temps de travail négocié. Le temps de travail se rapproche le plus souvent des 40 heures (et les dépassent pour certains). Ils s'agit d'heures supplémentaires non payées.

Si des salariés font plus que 35 heures par semaine, c'est qu'ils ont pris plus de temps pour réaliser leurs tâches. Elles devaient être réalisées sur 35 heures, elles le sont sur 40 heures.

Nous pouvons en extraire deux raisons possibles : soit le salarié travail trop lentement, n'est pas assez productif ; soit le calendrier des tâches ne correspond pas à la réalité (projet mal vendu, aléas..).

La gestion des compétences

En ce qui concerne le salarié, je ne vais pas trop approfondir le sujet. On pourrait toujours discuter sur le fait qu'on ne "trouve plus de bon personnel de nos jours", que "c'était mieux avant", que "nous n'avons qu'une bande de faignasses dans ces bureaux", mais je n'y crois pas. Les études montrent continuellement que les français sont parmi les plus productifs du monde ; ils travaillent de la même manière que dans tous les autres pays du monde, voire mieux.

Donc les horaires de travail ne peuvent dépasser le temps initialement prévu qu'à condition que les compétences du salarié soient mal évaluées ou que la planification soit déficiente.

Hors, la gestion des compétences, la gestion du temps, il me semble que, justement, cela soit de la compétence de nos fameuses élites éduquées. Un salarié placé sur un mauvais poste ou en déficit de formation est, en grande partie, la concrétisation d'un choix de la direction.

Pour le calendrier, si un salarié doit mettre 40 heures pour réaliser des tâches qui devrait en prendre 35 ; c'est qu'il est nécessaire d'amortir du travail supplémentaire non prévue. Non prévue ? A mince, une charge de travail non prévue est aussi de la faute de la personne chargé du planning.

L'échec de nos élites

C'est pour ces raisons qu'on peut penser que la suppression des 35 heures est un échec de notre système éducatif, du recrutement dans les entreprises, de la gestion des compétences…

Si on conscrit le temps de travail à 35 heures, alors le travail d'un dirigeant est de réfléchir à des solutions pour améliorer l'efficience de ses équipes ; le faire tenir en fonction de la durée légale. Il est trop facile de ne savoir utiliser qu'un tableur (Excel), de faire bouger des variables et d'en conclure que tout serait bien plus facile si on augmentait la durée légale du travail.

Ce qu'on nous répète, c'est qu'il est justement impossible en terme de coût du travail, de compétition internationale de réussir cet exploit. Alors qu'il est aisé d'augmenter les haut salaires.

Pour être productif, un salarié doit être reposé, travailler dans un cadre dénué de fatigue inutile, disposer d'une stabilité personnelle… ce n'est pas ce qu'on trouve dans l'ensemble des entreprises en France.

Les 35 heures auraient pu être un moyen d'améliorer les conditions de travail des salariés et de réfléchir au moyen d'augmenter la productivité. On aurait pu entamer un dialogue construit entre les salariés et le patronat sur le temps de travail, puis, dans un deuxième temps, réfléchir à des mesures économiques pour améliorer la compétitivité de la France…

Sous prétexte que les entreprises n'ont pas (toutes) joué le jeux, alors il serait impensable de les garder ; alors que les chiffres (OCDE par exemple) n'annoncent pas de catastrophes de l'emploi en France depuis l'instauration des 35 heures.

Bien sûr, le coût du travail est trop important, on sait qu'en Chine pour un quignon de pain par semaine, les employés travaillent en chantant, dans le bonheur (les suicides de Foxconn sont une légende urbaine). Mais alors pourquoi, les entreprises proposent la seule alternative de la baisse des cotisations patronale et pas un changement de paradigme comme le salaire de base (qui propose une baisse des charges salariales).

Chaque politique, entrepreneur, avocat (oui, ils n'ont jamais travaillé mais dirigent le pays) qui vous annonce le besoin de revoir les 35 heures, vous révèle, droit dans les yeux : qu'il ne veut pas discuter des conditions des salariés, qu'il ne veut pas participer à l'effort pour améliorer les performances de l'économie française, qu'il ne veut pas se soucier des problématiques de production…

Travailler à la valorisation du patrimoine, les dirigeants ça les emmerdent. Ce qu'ils valorisent c'est leur patrimoine. Ils échouent encore et encore, et ils échoueront sans cesse.