Effondrement sous la complexité

Moi, aussi, comme Thierry Crouzet, je lis Effondrement de Jared Diamond ; un grand livre sur l'étude historique, anthropologique, sociologique, de l'effondrement de plusieurs civilisations.

Le chapitre sur l'île de Pâques pose des questions sur le bucheron abattant le dernier Palmier Géant du territoire ; l'arbre nécessaire à la construction des pirogues. Comment face à la baisse du surplus de nourriture, les chefs de tribus se sont lancés dans une course à la statue la plus gigantesque ; vaine tentative d'amadouer les dieux et de convaincre le peuple d'un retour possible aux périodes fastes.

Ce que nous retenons, de la grandeur des civilisations, c'est justement celle de la plus grande complexité, de la plus de grande richesse, de la plus grande consommation de ressources.
Pour l'île de Pâques, ce sont les statues géantes, celles que, durant les siècles suivants, les habitants détruiront comme pour se venger d'un système corrompu.

L'entropie est la mesure du degré de désordre d'un système au niveau microscopique. Plus l'entropie du système est élevée, moins ses éléments sont ordonnés.

Thierry Crouzet pense que le système politique de notre pays, celui des partis, est basé sur un système "simple", hiérarchique, pyramidale. Ce système est la suite logique du principe de sélection par l'excellence à la française, celui de sélection des élites. Devenir le meilleur, être le meilleur et surtout le rester. Seulement, en dehors de la réussite dans ce système conscrit, le mode de gouvernance est inadapté à la complexité réelle de notre monde : La démerdocratie.

Un constat : si nous persistons à employer les anciennes méthodes politiques inadaptées à la complexité, nous succomberons sous le poids de la complexité. Dans Collapse, Jared Diamond montre que presque toutes les civilisations connaissent un tel destin. À un moment donné, leur coût de fonctionnement devient prohibitif. Nous y sommes.

La même semaine, sur le blog de Paul Jorion, Julien Alexandre nous éclaire sur le rapport entre l'innovation technologique et l'entropie.

Toute activité provoque une augmentation de l’entropie, tout ce que nous pouvons espérer c’est que l’intelligence des êtres vivants, et en particulier celle des êtres humains arrive à ralentir cette augmentation de l’entropie par des inventions qui permettent de limiter au strict minimum possible les pertes d’énergies et de matières premières et de limiter aussi la création de déchets matériels visibles et invisibles.

Limiter l'entropie n'est pas chose aisée, dans le désordre, beaucoup essayent de concevoir un nouvel ordre ; il s'agit de la grande volonté de réussite qu'on retrouve chez les start up, par exemple. Sortir du lot pour devenir une référence dans une niche.

Ce que tente donc d'expliquer Julien Alexandre, c'est que ce que nous appelons innovation (ou progrès) porte mal son nom. Le libéralisme économique s'évertue à créer un désordre général en liquidant un ordre garanti par des services publiques (par exemple), pour nous vendre le rêve constant d'un nouvel ordre prochain basé sur le progrès technologique. Ce que nous appelons un business model : comment construire un modèle économique (faire de l'argent) sur un secteur non-économique (l'éducation par exemple).

A mon avis, l’avenir du progrès dépendra de la capacité de l’humanité à pouvoir distinguer d’un côté les innovations capables de réduire l’augmentation de l’entropie de la planète tout en permettant le maintien et si possible l’augmentation de la qualité de vie de tous les humains qui l’habitent.

Nos deux auteurs s'entendent sur l'inadaptation de nos politiques par rapport aux problèmes rencontrés, et sur la possibilité d'améliorer les choses en ayant une politique cherchant à limiter la complexité.

Au moment où les tunisiens sont dans la rue, où un président (dictateur), et son régime, soutenu par l'ensemble des dirigeants mondiaux vient de tomber ; il est venu d'analyser qui et quoi nous gouverne.

Regardons la profession de notre président et la manière dont sont votées les lois (Hadopi, Loppsi) pour reconnaître que le droit (et pas la justice) nous gouverne. Un tirage au sort de nos députés serait plus performant, voilà bien une preuve d'une trop forte complexité.

Fallait-il, ou pas, couper la tête de notre roi, le 21 janvier 1793 ?