C'est quand on croit penser, qu'on arrête de penser

Je suis aller voir l'intervention de Bernard Stiegler dans le 2ème arrondissement de la capitale. Il présentait son dernier livre qui a pour sujet la bêtise. Grand philosophe de la technique, ses propos n'ont pas manqué de me faire réfléchir sur notre métier.

Bref résumé de l'intervention

L'attention, hier, n'était pas très soutenue, beaucoup de gens partaient en cours de conférence, quelques personnes lâchaient ; le discours n'a pas été évident à suivre. Bernard, à un moment, s'est un peu perdu dans une analyse remarquable mais pourtant difficile à transmettre sur un débat entre Deleuze/Derrida sur l'animalité de l'homme, la différence entre l'homme et l'animal, Derrida faisant la bête pour critiquer la position bête de Deleuze, la bête… je vous laisse imaginer.

Néanmoins, son positionnement par rapport à l'actualité a encore été, une fois de plus, pertinente. L'angle de sa réflexion s'est, à ce que j'ai compris, positionné sur les phénomènes qui permettent de passer de l'homme à l'animal (et inversement). Les processus d'individuation si bien décrit par Simondon.

Il s'est donc attardé sur la vacuité du débat pour connaître la différence entre l'homme, l'animal, la plante pour mieux se concentrer sur les phénomènes qui permettent de passer de l'un à l'autre. On peut ainsi passer de l'état végétatif, à l'état animal, voire pour les meilleurs à l'état humain.

Stop ou encore, avant/arrière, en considérant ces états et les processus qui permettent de passer de l'un à l'autre ; on peut mieux comprendre des phénomènes de progression et de régression. Un être bête étant un homme qui repasse dans le stade animal, celui de bête. Bernard évoque cela par la personne qui, énervée, (un patron qui met la pression) commet un excès de vitesse et provoque un accident. Ah oui, c'est très bête.

A cela, il a ajouté le discours traditionnel sur l'apparition de techniques et le mauvais usage qu'on pouvait en faire (pour manipuler les gens), les fameux sophistes. En ajoutant, un contre point très intéressant sur la stratégie du choc (Naomi Klein) technologique permanent.

La volonté des grands groupes de noyer les utilisateurs dans des évolutions technologiques constantes afin de successivement les empêcher de se les approprier et finalement de les faire arrêter de penser et, donc de les faire devenir… bête.

C'est quoi le rapport avec l'intégration ?

En intégration, on y est, dans le choc technologique permanent. Pour ceux qui ne connaissent pas, nous avons des nouvelles fonctionnalités qui arrivent chaque mois avec l'apparition de nouveaux métiers liés à l'interface.

Le problème c'est que (souvent, pas pour tout le monde encore une fois) dans notre environnement les personnes qui "travaillent" avec nous ne connaissent pas la technique pour faire des sites web et ne suivent absolument pas les nouveaux principes techniques.

Comme le dit Stiegler, ils croient penser le web (ne font pas de veille technique, ni ne manipulent) mais finalement arrêtent de penser. Il se crée un problème de compréhension, nous ne parlons plus de la même chose, le langage est différent.

Ainsi, toi l'intégrateur, on ne comprends pas ton métier, on te dit "pourquoi l'intégration devrait ne pas fonctionner comme les autres" ; mais, finalement parce qu'intégrateur c'est pas juste un métier, c'est le métier. Le métier d'une agence est de faire des sites web, si tu es le seul (avec tes copains développeurs) à te soucier de la manière technique d'intégrer un site, en fait, tu fais ce que les autres ne savent pas faire. Donc forcément, tu es frustré, tu passes du temps et ça marche jamais.

Tout le monde devrait être intégrateur.

Heureusement pour toi ; toi, tu penses et c'est pour ça que tu va/dois devenir concepteur. Mais, je pense que si tu veux avoir une vie plus joyeuse (si ce n'est pas le cas), mieux vaut travailler avec des gens qui partagent ta démarche.

Avis personnel : je ne trouve pas normal que nous soyons dans ce choc technologique permanent qui nous monte les uns contre les autres (phénomène tour de Babel). J'aimerais vivre dans un contexte plus stable dans lequel on se pose les bonnes questions, on réfléchit, on s'entre-individue. Mon objectif n'est donc pas la critique pour la critique, mais de montrer l'aberration de notre système pour en construire un nouveau.