Analyser le présent pour un futur meilleur
Se lancer à corps perdu, c'est ce qu'on aime faire quand on est jeune et fougueux. Une fois quelques cheveux perdus, la coupe raccourcie, le plaisir des cheveux au vent, sur son cheval au galop, s'amenuise. L'aventure a ses bons côtés mais se retourner en se disant qu'on est complétement paumé et qu'on ne sera pas rentré pour l'apéro frise le ridicule.
Pendant longtemps, le futur, il fallait le deviner : la divination, les oracles, caractérisent nos sociétés archaïques. Puis viennent les sociétés modernes où le futur est lié à la connaissance : croire dans un progrès linéaire et éternel, se persuader que plus on comprendra le monde grâce aux sciences, aux techniques, plus on comprendra le futur. C'est le moment où l'on fait confiance à la planification, aux prévisions.
Quelle connerie, il faut bien le dire. Croire que le progrès est linéaire, c'est ne jamais grandir, croire que mamie est éternelle. Pourtant on aime croire à un futur meilleur celui qui donne espoir, une raison de continuer le chemin ; à la manière des publicitaires avec la nourriture ultra-calorique, les politiques nous manipulent avec leurs promesses.
Les politiques sont champions à ce jeu, avec leurs programmes, leurs idées héroïques sur la maîtrise du futur, celui qu'ils vont tenir en laisse grâce au souffle nouveau que leur auront donné les électeurs qui les auront élus…
Mais moi je suis un ennemi du futur. Oui, je suis un ennemi du futur dans lequel tout ce à quoi on devrait réfléchir maintenant est envoyé (comme dans une poubelle). En 2100, la température sur la terre sera supérieure à plus de X°Celsius, l'Espagne sera un désert, il n'y aura plus de poissons… oui peut-être mais aujourd'hui, il se passe quoi en fait.
Mais le plus inquiétant, c'est cette tendance à utiliser le futur comme le lieu où le présent se soulage en rejetant ses problèmes non résolus, d'où cette image de la poubelle.
Ainsi l'espérance disparaît; elle est considérée comme un désir qui s'éloigne du réel, quelque chose d'inutile, voire de dangereux, car complètement ignorant de la dureté de la réalité. Pas facile de faire rêver dans une telle ambiance !
On évite les choses difficiles, les confrontations… et on laisse passer et on verra plus tard. Sauf que c'est pas comme ça que ça se passe, il faut mettre les problèmes sur la table afin de les résoudre sur le long terme.
Pour les plus "réalistes", la seule chose qui nous sauverait du désespoir du présent, c'est la fuite dans l'action : pas besoin d'espérance, bosse !
Est-ce de ça dont les chefs de projets sont les agents ? De ce besoin de fouetter les gens pour qu'ils trouvent une raison de passer à l'action ? Les obliger à éviter la période durant laquelle on aurait dû discuter de ce qu'il se passe : de l'organisation, de la manière, des méthodes… ?
Le futur n'est pas la connaissance de ce qui va arriver nécessairement, mais une spéculation sur le possible. Nous n'avons pas besoin de planificateurs, mais d'une approche plutôt prospective.
Dans cette approche, l'incertitude devant le futur doit devenir un objet de connaissance qui nous mobilise. Il ne s'agit pas d'élaborer des pronostics, mais de construire des procédés pour gérer l'ignorance.
Ce qu'il faut construire c'est une société opposée aux experts (ce qui savent à la place des autres sans jamais pratiquer), aux gestionnaires et autres grands administrateurs garants du suivi de processus jamais remis en cause ni discutés.
Ce qu'il faut c'est osez dire c'est qu'on ne sait pas, et que, quand on pense, c'est à plusieurs ou pour les autres. Pas besoin de vouloir casser les codes, il faut penser à les préserver et à les adapter pour qu'ils puissent perdurer pour le groupe.
Daniel Innearity propose 3 conditions pour redonner confiance dans le futur :
- Exercer notre capacité d'identification du nouveau
- Savoir observer le présent
- Faire appel à la connaissance pratique
Menez un projet, travailler en groupe, c'est donc donner du sens, savoir avec qui on travaille et pourquoi.
L'entreprise a souvent trop tendance à se focaliser sur le produit fini idéalisé, la maquette vendue en amont de projet. Il serait plus pertinent de d'intéresser à la manière et de sans cesse remettre en question le pourquoi du projet par rapport à un présent, une réalité.
Lire Poubelle du présent ? - par Gilles Martin.