Définir une stratégie pour l’amélioration de l’accessibilité

Le saviez vous ? L’europe a imposé des objectifs très contraignants concernant l’accessibilité à chaque pays membre de l’union européenne (lois contre la discrimination).

Savez vous que concernant les rapports à rendre pour décembre 2021 à l’Europe, la France est un des seul pays a… n’avoir rien rendu : Web Accessibility Directive - Monitoring reports.

Essayons de comprendre pourquoi la garantie d’un bon taux de conformité ne peut pas se réaliser avec de la bonne volonté (quand on veut, on peut). Pour cela, je vais vous traduire (en partie et de manière libre) cet article en anglais de Craig Abbott : Defining a strategy for accessibility

Identifier les connaissances par les équipes

Pour comprendre comment nous pourrions soutenir ces équipes et comment nous pourrions mesurer la conformité à l’accessibilité plus précisément. Nous avons réalisé une enquête sur plus de 200 personnes en interne.

Si vous savez que certains services ne répondent pas aux normes, vous devez faire des recherches et comprendre vraiment pourquoi.

Il y a de manière générale un consensus sur la nécessité de prendre en compte l’accessibilité ; malheureusement, la considération de ce que recouvre l’accessibilité n’est pas toujours évident.

Le problème est que l’accessibilité numérique est difficile ! Et, ironiquement, la législation et la documentation ne sont pas particulièrement accessibles. C’est fragmenté. C’est complexe. C’est souvent écrit dans le jargon légal, ou si subjectivement que la place de l’interprétation est énorme.

Nous avons constaté que, généralement les principaux obstacles pour toute organisation fournissant des services accessibles sont les suivants :

  1. Une mauvaise compréhension de l’accessibilité et pourquoi c’est important ;
  2. un manque d’orientation ou de documentation claire ;
  3. un manque de formation structurée ;
  4. des difficultés à obtenir des outils coûteux tels que les JAWS ou Dragon ;
  5. difficulté à recruter des utilisateurs qui ont des déficiences.

L’énigme de conformité

Nous avons constaté qu’il est courant que les grandes organisations concentrent tous leurs efforts sur les règles (légales). Par exemple pour l’accessibilité : la conformité.

C’est vrai, la conformité est une bonne manière de mesurer les progrès au cours du temps. Cependant, ne s’intéresser qu’à la conformité c’est un comme passer un examen sans avoir à connaître vraiment le sujet. Cela peut conduire à une mauvaise prise en compte de la mesure… un échec et finalement un abandon.

Bien évidemment, faire appel à un audit externe pour corriger des anomalies peut aider. Mais améliorer la conformité ne peut pas se faire sur du « One Shot ». Une nouvelle itération sur votre code et votre rapport d’audit ne correspond plus à la réalité de votre site. Plusieurs itérations et plus rien ne correspond.

Une stratégie doit être durable. Elle doit être construite en intégrant l’accessibilité dans le tissu même de votre organisation.

Bien sûr, la conformité est une partie très importante du puzzle, mais pour être accessible, vous avez besoin de plus que cela.

Les 3 piliers de l’accessibilité

Il vous sera impossible de mettre en place une stratégie si vous ne traitez pas de manière simultanée : conformité, culture et éducation.

Les 3 piliers de l’accessibilité

La conformité

La conformité vérifie la correspondance de votre code avec une norme ou un référentiel. Pour les sites web, la norme internationale est définie par le WCAG (Web content accessibility guidelines) ; le référentiel de conformité français est défini par le RGAA (Référentiel Général d’amélioration de l’Accessibilité).

La conformité est essentielle. Sans cela, vous n’avez aucun moyen de mesurer à quel point quelque chose est bon ou mauvais. Mais, seule, la conformité ne suffit pas. Si vous voyez l’accessibilité comme une case à cocher dans votre processus, vous n’aurez probablement pas de services vraiment accessibles.

La culture

La culture, ce sont les attitudes de vos collègues et la manière dont l’accessibilité est considérée. Il s’agit d’une prise en considération de l’utilisateur, plutôt que d’une liste de choses à vérifier.

Avoir une bonne culture est essentiel. Mais encore une fois, seul, ça ne suffit pas. Être passionné par l’accessibilité c’est génial, mais si vous n’avez pas la formation adéquate, vous n’arriverez pas à la mettre en œuvre avec succès.

Éducation

L’éducation (formation) veille à ce que les équipes disposent des compétences requises pour pouvoir fournir des services accessibles. C’est la documentation. C’est la formation. C’est la connaissance.

Comme les deux autres parties, l’éducation est essentielle. Mais encore une fois ça ne suffit pas. Vous pouvez mettre en œuvre une formation, vous pouvez donner aux gens toutes les compétences. Mais si la culture est mauvaise et que les gens ne voient pas les raisons d’améliorer le parcours utilisateur, vous n’aurez probablement pas de services accessibles.

Construire une stratégie durable

Selon moi, construire une stratégie autour de la conformité, de la culture et de l’éducation est le seul moyen d’assurer que votre investissement paie.

Planifiez

Essayez d’avoir une série de buts à court terme et à long terme. Lorsque vous planifiez, regardez comment ce que vous engagez contribue à la conformité, à la culture ou à l’éducation.

En faisant correspondre ces besoins à un planning prévisionnel, vous pouvez commencer rapidement à repérer ce qui manque. Si votre plan pour les 3 prochaines années ne comporte que des tâches qui contribuent à la conformité, peut-être, devez vous revoir votre copie. Regardez si vous avez des tâches à impact élevé dans les 3 catégories.

Par exemple :

Feuille de route pour l’amélioration de l’accessibilité

Orientation et formation - éducation

Comme la documentation d’accessibilité est fragmentée, nous avons décidé de réunir des ressources dans un manuel que nous avons appelé le manuel d’accessibilité.

L’une des parties les plus importantes du manuel est le fait qu’il fasse correspondre le travail spécifique d’une personne aux notions d’accessibilité à connaître. Nous avons constaté que dans toutes les organisations, les gens ne savent pas toujours quelles sont leurs responsabilités au sein d’une équipe.

Principes d’accessibilité - Culture

Nous avons créé 5 principes d’accessibilité. Ils complètent les 10 principes de conception de GOV.UK.

Les 5 principes sont :

  • L’inclusion est meilleure que l’empathie ;
  • le design accessible est un bon design ;
  • commencez avec ce qui fonctionne ;
  • si ce n’est pas accessible, ce n’est pas fait ;
  • c’est toujours pour tout le monde.

Vous pouvez lire les principes d’accessibilité plus en détail dans le manuel d’accessibilité.

Bonne pratique - Conformité, culture et éducation

Si vous connaissez les meilleures étapes pour rendre les choses conformes. Documentez-les et encouragez les équipes à les adopter.

Il est préférable de ne pas le rendre obligatoire les bonnes pratiques. Chaque équipe est différente, il est donc nécessaire de rester flexible, mais ils sont toujours bonnes à prendre comme base de départ.

Suivi et rapport - Conformité

Créez un observatoire central et assurez-vous que les équipes contribuent régulièrement. Pour que quelque chose soit considéré comme conforme, voilà ce que chaque service devrait remonter :

  • N’a pas échoué contre aucun critère WCAG 2.1 A ou AA (RGAA en France) ;
  • fonctionne avec un lecteur d’écran ;
  • fonctionne avec une loupe d’écran ;
  • fonctionne avec un logiciel de reconnaissance vocale ;
  • a une déclaration d’accessibilité valide.

Que retenir de cette article ?

Il n’est pas possible de progresser sur les sujets d’accessibilité sans prendre en compte des aspects de : conformité, culture et éducation (formation).

Les organisations et les équipes sont toutes différentes, avec des maturités et des manières de travailler qui leurs sont propres ; il n’existe donc pas non plus de méthodes uniformes et magiques.

Concernant, la France ou plus précisément l’administration française ; il existe un très bon référentiel de conformité (RGAA), un observatoire, des très bonnes formations, mais une culture de l’accessibilité très moyenne (pour des raisons multiples). Cependant améliorer cette culture indépendamment des aspects de conformité et d’éducation (formation) serait inefficient.

Ainsi, croire qu’il suffirait de former tout le monde à l’accessibilité et/ou placer l’accessibilité comme une priorité absolue pour réussir à améliorer le taux de conformité pour chaque démarche ne va pas aller bien loin.

Considérer l’usager, prendre en compte leurs besoins, va beaucoup plus loin qu’un simple questionnaire UX. Il nécessite une participation de parties prenantes qui, a priori, n’ont rien à voir avec le développement (informatique) d’un service numérique ; mais aussi de penser l’usager dans toute sa variété (notamment celle de ne pas avoir envie d’utiliser le numérique).

Le numérique pourrait être pris comme un discipline à part, déconnectée de toutes les autres, car elle ne serait au final que la transposition de formulaires administratifs sur un écran.

Sur les questions d’éducation (à l’école), on évoque le numérique ; sur les questions d’aménagement urbain, on évoque aussi les questions du numérique. Que dit-on dans les colloques sur l’éducation, sur l’aménagement urbain ou sur l’écologie ? Que les avancées seront le fruit d’une collaboration transverse entre les administrations : entre ministères, entre État et collectivités, entre collectivités…

Conclusion

Espérons que le travail de Craig Abbott guide certains d’entre nous. Être en capacité de planifier en parallèle les questions de conformité, culture et éducation (formation) est une des clefs de l’amélioration de l’accessibilité.

Seulement, il existe probablement un niveau de maturité supérieur, qui consiste à permettre une collaboration entre organismes afin de construire une culture (plus) globale sur ce que peut être la mise en place d’un service numérique pour un citoyen.

Cette vision stratégique globale faciliterait la prise en compte des autres disciplines que sont : le numérique responsable, la protection des données ou la sécurité.