5. Préparation conférence - de simples inventaires

La numérisation de la société, des entreprises et des administrations ressemble à une locomotive lancée sur les rails d’un avenir meilleur.

Le numérique apporte tellement de bénéfices que la numérisation d’un domaine d’activité, d’une pratique de travail… ne peut apporter que joie et volupté.

Il existe bel et bien quelques frictions. Quand vous parlez aux décideurs (qui ont souvent plus de 50 ans), les frictions ce sont les anciens… et comme les jeunes maîtrisent parfaitement le numérique, tous les problèmes vont disparaître… sauf que les plus jeunes ne maîtrisent pas vraiment le numérique.

Savoir commun ?

En réalité les pratiques sont multiples, voire complètement différentes.

Une personne ancienne n’a pas forcément un mal (rédhibitoire) avec le numérique, ce sont certaines personnes âgées. Les plus jeunes vont carrément bien naviguer sur TikTok mais être incapables de remplir un formulaire en plusieurs étapes, car lire c’est fatiguant.

Les plus âgés seront à l’aise avec un ordinateur de bureau, alors que les plus jeunes ne connaissent que le SmartPhone. Insérer une image dans un document Word ou créer une formule dans Excel sont devenus, pour les plus jeunes, un tour de magie.

Si on prend ce simple exemple que peut-on définir comme une culture du numérique partagé par tout le monde dans une administration ou une entreprise ? Que considère-t-on comme une technique maîtrisée par tous ?

Quel est le savoir commun ?

Savoir numérique

Le savoir commun est une chose, mais concernant le savoir commun numérique précisément, où en sommes nous ?

Je viens de vous parler de remplir un formulaire. Mais il existe d’autres savoirs numériques :

  • Ranger des fichiers sur un espace de stockage (nommage, arborescence…)
  • Se servir d’une messagerie mail
  • Faire un recherche croisée sur plusieurs moteurs
  • Créer un document numérique : rapport écrit, tableau de données…
  • Mettre en ligne une page web
  • Archiver une base de connaissance
  • Protéger ses données privées

Concernant ces sujets, qui ne demandent pas un niveau expert, la maîtrise observée dans la population est assez faible. Cela a plusieurs conséquences.

La plus importante c’est que les outils sont la plupart du temps imposés du haut pour le bas. Les utilisateurs sont infantilisés dans leur pratique du numérique (comme avec les applications grand public). Ainsi, les systèmes informatiques sous souvent inadaptés et doivent être contournés par les agents.

Le savoir (comme la culture) numérique est trop faible pour qu’un employé puisse fabriquer ses propres outils de travail.

Savoir simplifié

Le passage du document écrit au document numérique (qu’on a appelé fut un temps : révolution), demande un total changement culturel.

Quand on pense numérique, on pense souvent réduction des distances, mise à disposition de données au plus grand monde et capitalisation du savoir.

Ces logiques, on les retrouve dans la pratique des données ouvertes (Open Data). L’Open Data consiste à formater de la donnée dans un format ouvert (qu’on peut ouvrir avec un logiciel basique, gratuit… donc par le plus grand nombre). De la stocker et de la mettre à disposition sur une plateforme.
On aura un politique de numérisation du territoire, une numérisation de nos activités. Cette donnée pourra être exploitée pour d’autres usages.

Tout d’abord ce concept de Données Ouvertes n’est culturellement pas connu, ni maîtrisé par la population. Ensuite, ce manque culture a pour conséquence que quand un organisme cumule de la donnée ; cette donnée est souvent incomplète, mal insérée…

70% de la données créée dans les organismes est présente sur les ordinateurs portables des employés. La donnée aura toutes les raisons de disparaître à chaque fois que l’ordinateur changera de main.

Sachant que la donnée est utilisée pour les décisions stratégiques dans les plus hautes sphères, c’est ballot de ne pas y prêter de l’attention.

Écrire de la donnée dans un tableur, comme on l’écrirait dans un tableau sur une feuille de papier, puis les stocker correctement sur un serveur ; devrait être un savoir commun numérique partagé par n’importe quelle personne arrivant sur le marché du travail.

Inventaire

Un parent pauvre

Le numérique sert à de multiples choses. Il existe de nombreux systèmes qui se basent sur de la donnée géographique par exemple : carte, base d’adresse, stations météorologiques…

Les réseaux sociaux sont aussi des niches à captation de la donnée utilisateur principalement pour revendre du profilage à des agences publicitaires.

Des applications exploitent ces données pour créer des choses qui nous paraissent exceptionnelles. Sauf que pour capter des données à objectif marchand y a du monde, mais quand il s’agit de capter des éléments qui sont moins générateurs de profits, c’est plus compliqué.

La donnée marchande n’a pas forcément besoin d’être toujours précise d’ailleurs, du moment qu’on crée un marché et que du profit peut être réalisé, c’est bon.

Il existe des données sur des choses toutes bêtes comme : combien de sites web et applications existe-il dans notre organisme ; pour lesquelles, il n’existe aucun suivi précis dans le temps.

Un passage obligé (?)

Tout ce dont je parle n’a rien de nouveau, de nombreuses personnes travaillent sur ces sujets. Seulement, la mauvaise qualité des données est un frein monumental à l’action dans notre pays.

Si nous entrons dans une période d’incertitude maximale dans laquelle un investissement ne pourra être engagé qu’une seule fois ; il vous semble logique, comme à moi, qu‘il faut que cet investissement se révèle pertinent au moins 10 ans plus tard.

Pour cela il faut de la donnée précise qu’on puisse croiser et que tout le monde y participe.

Je réfléchis au sujet depuis de nombreuses années et, me concernant, une des solutions les plus simples est d’éviter les bases de données, de stocker des fichiers (csv, yml, json…) comme si on les stockait sur sa propre machine : par institution, par direction, par projet…

De versionner les fichiers sous Git et de lancer des scripts par dessus (type Gestionnaire de Site Statique) et de les exploiter.

Exemple d’arborescence de stockage de fichier - Frago

Cette action d’écrire la donnée correctement, sous le bon format, de la ranger dans des répertoires en les nommant correctement, puis de comprendre que ces répertoires sont synchronisées… est en soit plutôt simple, mais éminemment complexe quand on arrive dans un contexte où le savoir numérique est faible.

Pourtant, je dis bien, là où le développement d’une application serait long, cher et complexe et où on a pas de développeurs ou administrateurs système de disponible ; avoir ces connaissances pourrait permettre de capitaliser et d’expérimenter sur des pratiques.

Conclusion

La notion de Données Ouvertes demande des compétences simples qui peuvent être développées à l’école primaire.

Les organismes sont des structures de transformation de l’information. Les personnes avec des postes de direction discutent entre elles de la manière dont l’information est transformée. Ayant souvent une mauvaise expérience pratique, elles ne connaissent pas toutes les subtilités de la donnée terrain.

C’est pourquoi, l’information est de mauvaise qualité.

Cela paraît bête, mais avoir des outils Low-Tech pour permettre aux agents de compléter ou même construire eux-même des inventaires (sous format ouverts et exploitables) au cours du temps serait un manière de remettre le plus de personne possible à la table des discussions autour de la numérisation.

Se poser la question de l’aquisition et de la discussion d’un savoir numérique commun est un enjeu important pour engager des politiques de numérique responsable ou d’accessibilité.