Les coups de gueules des développeurs sur la qualité des CMS
Bruno Bichet, notre intégrateur préféré sur le web, fait le point sur les humeurs des développeurs pestant sur certains CMS principalement codés en PHP : Dites Wordpress, pas Weirdpress…
Effectivement, il n'est pas rare d'entendre ici et là quelques forçats du métier se révolter :
- Drupal, ça sent pas bon par Mariya Lysenkova
- Comparer et choisir son CMS : Drupal et Django par Scot Hacker
- Tu fais quoi dans la vie? Je suis développeur Wordpress
Les arguments sont légitimes et fondés, ils essayent de démontrer que ces moteurs de blogs ou CMS sont mals codés.
Moui, d'accord, très bien. Il n'est pas inintéressant d'exprimer son avis sur le travail d'un contributeur. Le retour sur la qualité d'un produit fait partie intégrante du processus d'amélioration continue des produits que nous propose les communautés Open Source. En revanche, est-ce bien utile d'en arriver à critiquer le produit en lui-même alors qu'il répond aux attentes de nombreux utilisateurs ? Bruno Bichet, l'intégrateur, partage mon point de vue (ou l'inverse) :
Pour en revenir au code, il faut que les développeurs purs et durs prennent conscience que tous les intervenants de la chaine de production d’un site web n’ont pas les même notions quant à la qualité du code ni les mêmes attentes. Il m’est souvent arrivé de pester contre des développeurs ravis d’avoir trouvé une solution élégante pour résoudre leurs problèmes sans s’inquiéter de savoir si les fonctions, classes, méthodes, etc. qu’ils avaient développées correspondaient aussi aux besoins des intégrateurs web en bout de chaine. Le syndrôme du : « j’ai fait mon boulot, ça marche chez moi » est un argument récurrent.
La vision technophile de « moi je sais jongler avec 6 balles » et « je sais dire l'alphabet à l'envers en Klingon - 2 fois» me sort par les trous de nez. J'ignore si cela suffit à impressionner les gonzesses ou juste se donner un peu de contenance lors des réunions de production, mais les avancées sur les fonctionnalités de la machine ne rend pas son usage plus évident pour l'utilisateur.
WordPress est un exemple de moteur de blog qui convient à une grande partie des personnes désirant mettre leur journal en ligne sur le web. A défaut d'avoir le code plus propre de la terre, celui-ci représente une des meilleures solutions Open Source du marché : Pourquoi je suis passé de Dotclear à Wordpress.
N'est-ce pas le débat sur le good enough (Le good enough! n’est pas incompatible avec la qualité) qui refait surface ? Le développeur sûr d'une production personnelle irréprochable critique son collègue, qui lui ne s'encombre pas avec des exigences aussi strictes, sans comprendre la position de celui-ci. Critiquer sans voir que la problématique de qualité du projet n'est pas seulement liée au code mais aussi à l'ensemble des intervenants, dont les usagers sont les premiers concernés, est une preuve de socio-centrisme.
Ou alors est-ce principalement un effet culturel conséquent au système éducatif (ici ou ailleurs) dans lequel sont séparés les décideurs marketeux et les tekos ? On décide en haut et les ouvriers codeurs réalisent en bas. La dé-solidarisation des compétences amènent souvent à une décolération entre la demande, la conception et la réalisation. De ce fait, n'étant pas intégré dans le processus de décision, le français développeur se fait entendre par une intervention musclée. Comme le dit Michel Volle sur le monde de la finance : Les « geeks » à la conquête de Wall Street, un danger pour la finance.
Les entreprises n’ont pas encore conçu la doctrine d’emploi de l’informatique, ne maîtrisent pas l’ingénierie d’affaires nécessaire aux partenariats et rechignent à déployer les services qu’elles croient improductifs.
La notion globale de qualité est fréquemment externalisée au dessous ou au dessus ou encore à côté :
- Toi le développeur, fait moi du code de qualité
- Je n'ai aucune demande dans ce sens de la part de mon chef
- Le marketing doit se prononcer
Etant subjective, chacun peut s'amuser à critiquer la qualité du travail de son voisin.
De nos jours, nous mesurons la qualité de l'outil non pas à son utilité (pour le public) en terme d'adoption mais en terme financier (pour les inverstisseurs) avec des graphiques. Voilà une belle perversion de notre société qui aujourd'hui ne comprend pas comment résoudre le problème écologique. Les considérations techniques et d'usage sont souvent difficiles à coordonner.
Selon moi, nous devrions avoir une démarche plus réfléchie sur les productions de notre industrie afin de s'assurer qu'elles sont sources de progrès réels pour notre société. La critique est importante pour identifier les failles de certaines réalisations. Mais nous devrions définir des objectifs qualitatifs humains plus globaux et voir comment mieux faire.
Si seulement nous avions une politique (numérique) digne de ce nom afin que les outils (informatiques) soient considérer comme des outils et pas comme des moyens.